Rhétorique

Réussir le Grand oral du Bac : entre argumentation et éloquence

Modifié le
4
June 2024
par
Julien de Sousa
Grand Oral Bac Panache

Introduction

40 minutes.

Voici la durée de cette épreuve du Grand Oral du Bac. Alors non, je te rassure, tu ne vas pas parler pendant 40min.

Notre capacité de concentration maximale étant limitée à 18min (durée max d'un Ted Talk), ça ne serait pas du tout fair-play de demander à des lycéen.nes de réaliser l'exploit de déjouer les habitudes de notre cerveau.

Au total, l’épreuve dure donc 40 minutes : 20 minutes de préparation, 20 minutes devant le jury, et elle se déroule en trois temps :

  • 5 minutes de discours ;
  • 10 minutes de questions / réponses avec le jury composé de 2 professeurs ;
  • 5 minutes d'échanges sur l'orientation professionnelle.

Avant l’épreuve, et pendant l’année scolaire, les élèves ont préparé, avec leurs professeurs, deux questions qui portent sur leurs deux spécialités de Terminale.

Lors du Grand Oral, le jury en choisit une des deux : le/la candidat·e a 20 minutes pour organiser ses idées et son plan.

Exemples de questions :
- Être illettré·e empêche-t-il d'être compétent·e ? (Non. Bon, maintenant, il faut détailler) ;
- Comment la science-fiction aide-t-elle à penser les dangers qui menacent l'humanité ? (débrancher SkyNet dans Terminator déjà) ;
- En quoi les clathrates de méthane font-ils peser une menace sur le climat ? (là, perso je suis incollable) ;
- Comment l'astronomie, la navigation et le calcul bancaire sont-ils à l'origine de l'invention des logarithmes ? (spé Maths tu l'auras compris) ;
- ...

5 minutes pour prendre la parole, c'est à la fois long (l'audience peut décrocher) et très court (il faut chercher à être efficace).

Il faut donc travailler le fond et soigner la forme.

On trouve déjà là un énorme point commun entre cette épreuve et le monde professionnel : comment parler d'un sujet qu'on maîtrise à priori pour le restituer de manière claire, concise et intéressante ?

Ces qualités vont en effet se révéler essentielles tout au long de ta vie étudiante, mais aussi en tant qu’adulte pour ta vie personnelle et professionnelle. Apprendre à s’exprimer, à argumenter, ou encore à écouter font partie des compétences travaillées pour le Grand oral du Bac qui s’avèrent indispensables dans la vie professionnelle.

L’exercice du Grand oral pourrait d’ailleurs être utile à tous les adultes qui manquent d’aisance à l’oral pour s’entraîner à prendre la parole en public de façon claire et convaincante, à argumenter de manière synthétique et à créer un discours construit qui donne envie d’être écouté. Des acquis importants dans la plupart des métiers, pour mener une réunion ou manager une équipe par exemple, mais aussi en entretien d’embauche, et même dans la vie courante en général comme lorsque tu dois convaincre Dominique de partir à Saint-Pée-sur-Nivelle plutôt qu'en baie de Somme pour les vacances d'été.

Alors, mon premier conseil : n’envisage pas le Grand oral uniquement comme un examen à passer, mais aussi comme un entraînement nécessaire pour l’avenir.

Le fond

Une présentation bien préparée est une présentation bien ordonnée.

Ma recommandation est de choisir un plan en 4 étapes :
1- Ton accroche ;
2- L'annonce de ta question / problématique (1min30 avec l'accroche) ;
3- Le développement de ton argumentation (3min) ;
4- Ta conclusion (30 sec).

1- Ton accroche

C'est ta toute première phrase, elle est absolument essentielle, car elle annonce la couleur et suscite l'intérêt dès les premiers instants. Son rôle est triple :

- Elle sert à interpeller ton auditoire > c'est TOI qui parles.
- Elle sert à capter son attention > c'est TOI qu'on écoute.
- Elle sert à attirer la bienveillance > le public a envie de prendre soin de TOI autant que tu vas prendre soin de LUI.

Alors, au lieu d'un classique et barbant "Bonjour à tous, je suis Julien de Sousa, élève de Terminale S au Lycée Van Gogh, et je vais vous parler de l'importance d'explorer notre univers...", donne au public une accroche percutante.

Voici 3 exemples d'accroche :

  • Une question indirecte : "Au regard de la taille de notre univers, avez-vous déjà songé qu'une planète semblable à notre Terre existe ailleurs ?"
  • Une anecdote : "Dans les années 1960, la NASA a imaginé les premiers casques sans fil pour rester en contact avec les astronautes sans qu'ils soient gênés par leur matériel. Ce genre d'inventions créées pour l'exploration spatiale se retrouvent bien souvent dans notre quotidien, par exemple ..."
  • Une référence à l'actualité : "Plus de 2 millions de personnes ont regardé le Live du dernier décollage de la fusée Space X où notre cher Thomas Pesquet s'est envolé pour la station ISS. L'univers fascine car..."

Les possibilités sont infinies (comme l'univers !) tant que tu entres de manière dynamique dans tes propos.

2- L'annonce de ta question / problématique

Tu n’es pas là pour jeter ta question à la tête de ton public, tu es là pour expliquer en quoi ce sujet est intéressant, quels sont les problèmes qu'il pose, les enjeux qu'il soulève...

En somme, pourquoi mérite-t-on de se pencher sur une telle question ?

Et l'idéal est que tu saches toi-même pourquoi cette question te concerne, aussi bien qu'elle concerne ton public. Ce qui te donnera aussi un avantage au moment de la phase de Q&R, car pour développer ton leadership, tu dois savoir pourquoi tu fais les choses, pourquoi tu fais ces choix, pourquoi tu prends telle ou telle décision.

Le public n'attend pas un·e bon·ne élève qui montre qu'il/elle a fait ses devoirs, le public attend un·e orateur·trice qui montre un point de vue.

3- Le développement de ton argumentation

Il serait difficile pour moi de te dire comment organiser cette partie, car tout va dépendre des arguments soutenus et des exemples choisis pour illustrer et valider tes propos. Cependant, il est primordial de travailler ta rhétorique et de rendre ton propos fluide, logique, avec une suite d'idées ordonnée.

Et pour t’aider à garder une trame cohérente, privilégie les connecteurs logiques pour lier les idées entre elles : Tout d'abord / De fait / Par conséquent / Néanmoins / Cependant / Or / En définitive...

Tente également d'élever ta présentation en enrichissant ton vocabulaire avec des synonymes de ce genre de verbes passe-partout : avoir / être / faire / dire / faire / mettre...

En revanche, supprime les mots parasites, inutiles et lourds tels que :

Genre / En fait / Du coup / Euhhh / Enfin voilà quoi / Internet of Things...

4- Ta conclusion

C'est le moment où tu vas clore (on ne dit pas "côturer", tu ne créés pas un enclos à moutons hein). Le moment où tu dois laisser un bon souvenir à ton public. Il est donc important de faire ces 3 choses :

  • Résumer brièvement ton propos en 1 phrase ou 2 et rappeler ta réponse à la question. Le public a ainsi bien compris ton raisonnement.
  • Faire une ouverture. Ta réponse n'est pas la fin, mais le début d'une réflexion beaucoup plus grande.
  • Avoir une dernière phrase qui indique que c'est la fin en véhiculant une certaine émotion pour toucher le public et ne pas terminer sur la réplique la plus pourrie de l'univers : "voilà, merci pour votre attention" ou "voili voilou" !

Astuce pour supprimer ce relou "voilà" : mord-toi la langue à chaque fois que tu le prononces. Tu auras tellement d'aphtes qu’il finira par disparaître de tes discours. Moi, j'en ai eu pour 200 € d'Hextril.

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La forme

C'est ton éloquence qui fera la différence.

L’éloquence, c'est ta capacité à sublimer ton fond grâce à ta voix (paraverbal) et ton corps (non-verbal).

Prendre la parole en public n'est pas un don, c'est une compétence qui s'apprend.

1- Ne t’entraîne pas à réciter, entraîne-toi à répéter

Le plus important ce n'est pas de connaître ton discours par cœur, c'est de connaître ton accroche, tes idées clefs et ta conclusion.

Si tu oublies une phrase, personne ne le saura jamais.

2- Dire moins et dire mieux

Chronomètre-toi à la maison pour te rendre compte de ce que ça fait de parler pendant 5 minutes.

Entraîne-toi à discourir. Si tu dépasses le timing, ne te dis pas que tu parleras plus vite le jour J.

Fais des phrases plus courtes et garde tes arguments supplémentaires pour la phase de Q&R.

3- Ancrage et bonne image

Ton corps envoie des signaux.

Alors, ne te balance pas, reste droit·e, posture haute, bien ancré·e dans le sol, avec les mains au niveau du nombril.

Sers-toi de cela pour rendre ton discours dynamique, sans partir en danse Fortnite non plus.

4- Plus de silence pour faire du bruit

Au lieu d'un mot parasite et inutile, privilégie les pauses et les silences. Ils ont un triple avantage :

- Ils permettent de réfléchir à ce que tu vas dire ensuite. Pratique.
- Ils permettent de créer du rythme et mettre de l'emphase. Esthétique.
- Ils permettent de laisser le temps au public de digérer ce que tu partages. Gastrique.

5- L'œil qui regarde bien, la voix qui vibre

Pendant ton intervention, maintiens ton regard sur le public pour maintenir leur attention. Ne te préoccupe pas de la propreté du sol, du tableau ou des fenêtres. Préoccupe-toi de celles et ceux qui t’écoutent.

Et parce qu'ils t’entendent, profites-en pour leur jouer une belle mélodie avec votre voix.

C'est ce qu'on appelle la "prosodie" : articulation, volume, intonation, débit.

6- La congruence, reine de l'éloquence

Connaitre ton discours, c'est bien.

Jouer avec ton corps et ta voix, c'est très bien.

Y mettre les bonnes intentions et être parfaitement aligné·e, c'est le must du must.

C'est ce qu'on appelle la "congruence" : ta capacité à incarner pleinement ce que tu racontes, à montrer que tu as à cœur de convaincre.

Sois enthousiaste, enjoué·e, vibrant·e. Les émotions transmises feront que tu passeras d'une intervention réussie, à une intervention brillante et inoubliable.


Oui, ça fait beaucoup d'éléments à intégrer.

Oui, c’est une épreuve qui demande pas mal de pratique.

Oui, ce moment risque d'être stressant.

Mais, si tu travailles soigneusement cette épreuve, tu ne seras pas seulement capable de réussir cet examen ou même de prendre la parole…

Tu sauras comment convaincre.

Julien de Sousa, fondateur de Panache.

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Aller plus loin

Voici les réponses aux questions qui nous reviennent le plus. Si tu en as d'autres, entre en contact avec nous pour en savoir encore plus.

Comment la rhétorique peut-elle aider les élèves à développer leur esprit critique ?

La rhétorique, c’est un peu comme une boîte à outils pour développer l’esprit critique. Elle aide les élèves à analyser et à comprendre les arguments des autres, mais aussi à structurer leurs propres idées de manière logique et convaincante. Par exemple, grâce à la rhétorique, on apprend à distinguer les arguments solides de ceux qui sont basés sur des pièges logiques ou des manipulations.

Ça permet de se poser les bonnes questions : "Est-ce que cet argument est vraiment valide ? Quelle est la logique derrière cet énoncé ? Est-ce que cet exemple est pertinent ?" En apprenant à argumenter efficacement, les élèves deviennent plus habiles à repérer les faiblesses dans les discours qu’ils entendent, et ça les pousse à prendre du recul pour ne pas croire tout ce qu’on leur dit sans réfléchir.

Finalement, la rhétorique, c’est une manière d’affiner son esprit critique et d’apprendre à remettre en question ce qu’on entend et ce qu’on croit, pour mieux comprendre et mieux argumenter.

Pourquoi apprendre à parler en public est-il important à l'école ?

Parce que parler en public, c’est bien plus qu’une simple compétence. C’est un super pouvoir pour la vie ! Si tu sais t’exprimer clairement, tu fais bien plus que juste répéter ce que tu sais. Tu influences, tu convaincs, tu mobilises les gens autour de toi. À l’école, c’est un peu comme une préparation à ta future carrière et à ta vie en société. Un bon orateur a des chances d’obtenir ce qu’il veut, que ce soit une augmentation, un projet accepté ou même… convaincre tes amis de manger sushis plutôt que pizza. Bref, c’est une compétence qui ne se limite pas à l’école, elle te sert dans toutes les situations de la vie. Et entre nous, c’est bien plus cool que de rester dans l’ombre, non ?

Comment améliorer son éloquence ?

Tout le monde n’a pas la même capacité à s’exprimer à l’oral et à prendre la parole devant un auditoire. Certaines personnes sont bloquées par leur timidité, parlent trop bas, n’articulent pas bien. Tandis que d’autres semblent naturellement à l’aise à l’oral, ils/elles savent porter leur voix, ont une belle élocution, la bonne posture, le bon vocabulaire… 

Les situations de prises de parole en public peuvent ainsi créer un fossé entre les personnes qui semblent être des orateurs innés… et les autres. Mais rien d’inéluctable ! L’éloquence et l’aisance à l’oral : ça se travaille.

Voici quelques techniques pour apprendre l’art de la parole : 

  • Travailler le fond : la règle d’or pour capter l’attention de ton auditoire est de proposer un contenu intéressant et bien construit. Pour cela, il faut apprendre à structurer ton discours et, bien sûr, à adapter ton argumentation à ton public.
  • Travailler la communication non verbale : le langage corporel fait partie intégrante de l’éloquence, ne néglige pas l’importance de tes postures, de ta gestuelle et de ton regard.
  • Travailler la voix et l’expressivité : l’art oratoire passe aussi par un bon contrôle de sa voix : l’intonation, les silences, l’élocution, le souffle font partie des techniques à peaufiner pour appuyer son discours. Il n’y a rien de pire qu’un texte récité d’une voix monocorde et sans âme, non ?

Une bonne gestion du stress est primordiale pour éviter d’avoir la voix tremblante et montrer, au contraire, une attitude détendue, souriante et avoir l’air toi-même convaincu·e de ton argumentation.

Et une fois que tu maîtrises le contenu et l’émotion, tu peux même t’amuser avec un peu d’humour et d’improvisation.

Comment gérer son stress lors d’une prise de parole en public ?

Tu as le trac à l’idée de faire une présentation orale ? Rassure-toi, tu es loin d’être le/la seul·e. Peur du regard des autres, peur de l’échec, de l’inconnu ou encore syndrome de l’imposteur… Le trac est très courant lorsqu’il faut parler en public.

Il n’y a malheureusement pas de formules magiques pour devenir du jour au lendemain un grand orateur qui ne connaît pas le stress. Mais, rassure-toi, certaines méthodes et astuces sont tout de même efficaces pour prendre confiance en toi devant un auditoire.

  • Prépare ton intervention : cela peut paraître évident, mais plus tu maîtrises ton sujet, plus tu seras à même d’en parler avec aisance et enthousiasme.
  • Fais ton autocritique : n’hésite pas à te filmer lorsque tu t’entraînes seul·e à faire un discours convaincant. Même si cela peut être perturbant de se voir en vidéo, c’est un excellent moyen d’identifier tes points forts et tes axes d’amélioration.
  • Respire : si tu te sens nerveux·se quelques minutes avant ta prise de parole, n’hésite pas à trouver un endroit tranquille pour faire des exercices de respiration. La technique de la respiration ventrale permet de retrouver un peu de calme et de sérénité.
  • Accepte d’avoir un peu le trac et dédramatise : n’oublie pas que tout le monde passe par cette situation de stress au moins une fois dans sa vie et apprends à relativiser, tu ne sauves (à priori) pas des vies.
  • Entraine-toi le plus possible : il n’y a pas de secrets, la clé du succès, comme pour beaucoup de choses dans la vie, c’est la pratique et la répétition. Saisis-toi de toutes les occasions pour t’entraîner seul·e à voix haute ou pour faire des mises en situation devant tes proches qui pourront te faire des retours bienveillants, mais néanmoins constructifs, pour t’aider à reprendre confiance en toi.
Comment construire un discours éloquent ?

Selon Cicéron, lui-même brillant orateur, pour captiver un auditoire, un bon discours doit s’articuler en quatre parties : l’introduction, l’exposition des faits, la présentation des arguments et la conclusion.

Sans forcément suivre à la lettre cette décomposition très « scolaire », il est tout de même conseillé d’avoir des parties bien identifiées pour une construction logique du discours et des transitions claires.

L’orateur moderne, pour être éloquent, doit aussi être créatif et s’inspirer de modes de communication plus contemporains, comme le storytelling par exemple.

Alors, comment préparer un discours digne des meilleurs orateurs, étape par étape ?

  • Définis le but de ton discours : cherches-tu à informer, divertir, émouvoir, prouver ton expertise ?
  • Renseigne-toi sur ta cible : adapte ton intervention, notamment le ton et les références, à ton public.
  • Crée le plan de ton discours : c’est le moment de faire des recherches approfondies sur ton sujet et de structurer le contenu de ta présentation.
  • Développe chaque idée : n’oublie pas les connecteurs logiques pour faire de belles transitions d’une idée à l’autre et pense à introduire des exemples et anecdotes pour garder l’attention du public tout au long du discours.
  • Travaille avec soin l’introduction et la conclusion : les premières minutes sont cruciales, elles vont donner le ton à toute ton intervention. Pense à une accroche captivante pour commencer ton discours : une question, une anecdote drôle (selon le sujet et l’audience), un chiffre surprenant, etc. De même, la phrase de conclusion est probablement celle dont ton auditoire se souviendra le plus. Pour finir sur une bonne impression, tu peux inciter le public à passer à l’action en lui posant une question.

Enfin, pour t’assurer de la qualité de ton discours avant de prendre la parole, vérifie que ton texte est : pertinent, sincère, enrichissant et compréhensible.

Ensuite, pour t’assurer de ta capacité à convaincre le public, travaille ton style oratoire et n’oublie pas de joindre le geste à la parole.

Et si tu veux aller plus loin, tu peux suivre les étapes que Quintilien préconise pour créer un discours mémorable dans cet article.

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