Introduction
Que ce soit pour un pitch investisseur, un entretien d'embauche, une conférence, une présentation en réunion ou même un discours de mariage, un discours qui emporte l'adhésion est un discours qui se prépare.
Il y a des étapes clés par lesquelles passer pour mettre toutes les chances de ton côté pour faire mouche.
Et ces étapes ne viennent pas entièrement de notre propre talent.
Elles ont été décrites par Quintilien au 1ᵉʳ siècle après J.C.

Rhéteur (= enseignant la rhétorique), né dans l'actuel nord de l'Espagne, autrefois faisant partie de l'empire Romain, Quintilien est l'auteur d'un important manuel de rhétorique appelé "l'Institution Oratoire" composé de 12 volumes (!) dont l'influence sur l'art oratoire se prolongea pendant des siècles.
C'est dans son troisième livre qu'il décrit les cinq étapes qui caractérisent cet art oratoire, en VO (latin) ça donne ça :
- « Inventio »
- « Dispositio »
- « Elocutio »
- « Memoria »
- « Actio »
Alors Quintilien, j'espère que tu ne m'en voudras pas, mais à mon sens, il manque une première étape que j'appellerai « Vibrato » et tu vas comprendre pourquoi. Zé barti !
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1- Vibrato
Avant de te lancer dans quelconque discours / prise de parole, il est à mon sens indispensable de prendre un temps pour mieux te connaître.
Exit les girouettes, les sophistes, les retourneurs de vestes, les je-veux-plaire-à-tout-le-monde...
Rappelle-toi que lorsque tu prends la parole, tes interlocuteurs ou interlocutrices n'évaluent pas seulement tes arguments, ne sont pas seulement touchés par tes anecdotes, mais jugent également ton image et la confiance qu'ils peuvent t’accorder. Ton ethos.
J'ai déjà écrit un article entier pour t'aider à développer ta réputation.
Il est donc essentiel de savoir quelle image tu souhaites renvoyer et de choisir les sujets avec lesquels ta réputation se bâtit.
De choisir les sujets avec lesquels ta maîtrise s'agrandit.
De choisir les sujets avec lesquels ton énergie s'aguerrit.
C'est en étant plus précis·e sur tout ça, que tu vas pouvoir gagner en expertise, en légitimité et en reconnaissance.
Voici 3 phrases à compléter pour mieux définir ce qui t’anime / ce qui te fait vibrer :
- Je me bats pour [insère ici une valeur, un concept, quelque chose qui tient en une phrase]
- Voilà ce que j’ai déjà accompli dans ce domaine [insère ici ce qui peut prouver ta légitimité]
- Mais mon combat ne sera pas terminé tant que [insère ici ce qui te motive, te fait vibrer, ton ambition]
Grâce à ce travail initié, tu commences à façonner ton propre manifeste qui clarifie l'orateur ou oratrice que tu es.
N'es-tu qu'un simple moldu sans vibrance particulière ?
Tu as forcément des valeurs, des passions, des centres d'intérêt, des convictions, des points de vue, que tu pourrais partager, car ils ont de la valeur.

Après t’être coloré·e de ton vibrato et avoir identifié les thématiques dans lesquelles tu veux défendre ta parole, se pose la question de trouver quoi mettre dans tes discours.
2- Inventio
Facilement traduisible par "Invention", c'est le moment où tu recherches des arguments et des idées à présenter aux destinataires du discours.
C'est un peu comme si tu jouais au Lego et qu'il fallait sélectionner les pièces à garder pour la figure à construire. Pas besoin des petites roues en caoutchouc si tu pars sur la création d'un voilier. En revanche, les briques blanches sont pertinentes pour la voile.
Donc, tu sélectionnes tes différents arguments, tantôt des "arguments affectifs" qui agissent sur les émotions et la sensibilité des auditeurs, tantôt des "arguments rationnels" qui en appellent à leur raison.
Et pour t’aider à sélectionner les meilleurs arguments, pose-toi au moins cette question : qui est mon public ?
(et tout un tas de questions qui en découlent où l'empathie sera ta meilleure alliée).

3- Dispositio
L'efficacité du discours ne dépend pas seulement de ses arguments, mais aussi de sa structure, sa disposition.
Un plan adapté et bien ordonné permet d'avoir des arguments qui s'enchaînent et ont du sens.
Tu imagines la tronche de ton voilier si tu assembles tes pièces au hasard ?
Et pourtant, c'est ce qui arrive dans la plupart des discours que j'entends lors de ma première séance de coaching avec des entrepreneurs qui lèvent des fonds...
On est plus sur du Kandinsky que du Mondrian.
Il existe pourtant des plans relativement simples qui aident à la compréhension :
- Le plan narratif.
- Le plan énumératif.
- Les plans logiques (analytique, dialectique, chronologique, thématique).
- Et la spéciale "Panache", le plan en U que tu peux télécharger en libre accès en bas de page dans "Télécharger un template de discours efficace". C'est cadeau, on veut voir plus de voiliers (et moins d'avions).

4- Elocutio
Qu'est-ce qui ressemble le plus à un voilier qu'un autre voilier ?
Alors pour te différencier et t’élever de la masse, il est temps de repasser sur ton discours pour le styliser.
Rien à voir avec "l'élocution", ici l'étape "Elocutio" consiste à faire deux choses :
- Adapter ton style au contexte : langage populaire, familier, courant, soutenu, littéraire ? Non seulement pour rester en empathie avec l'audience, mais aussi pour être sûr de rester clair et compris en ne jargonnant pas.
- Reprendre tes messages forts et les transformer grâce à des figures de style. Car à la fin de ta prise de parole, les gens n'auront retenu que quelques messages clés. Tu peux donc les aider en transformant des phrases banales en phrases mémorables. Les figures de style ne sont pas là que pour faire joli, elles sont là pour élever ton message et l'imprimer dans la tête et le cœur de ton public de manière durable.
Les meilleurs pour ça sont les poètes et les rappeurs avec de la punchline aux petits oignons :
"Le monde m’a pourri la vue, pour ça que j’regarde de travers" | Rohff - Regretté (2005)
Mais les personnes que l'on forme ne sont pas en reste. Il y a 2 semaines, j'ai eu un étudiant qui a tenu un discours lors d'une COP fictive organisée par son école. À un moment, il dit :
"On pourra toujours relancer notre économie, mais on ne pourra jamais relancer notre écosystème"
Après son discours de 5min j'ai demandé au public ce qu'il avait retenu, et à l'unanimité : cette phrase.
Voilà de quoi marquer les esprits et rendre ton voilier mémorable.
5- Memoria
Je vais passer assez vite sur cette partie, car comme son petit nom latin l'indique, c'est le moment où il faut mémoriser ta prise de parole.
Tu peux toujours lire tes notes, mais ça sera toujours moins bien...
Ma recommandation, c'est de tout apprendre par cœur, ou pour les galériens comme moi qui ont toujours eu 0 en récitation à l'école, de ne mémoriser que :
- Les 10 premières secondes pour bien te lancer.
- Les 10 dernières secondes pour bien terminer sans le nullissime "voilààààà".
- Les grandes étapes du plan pour avoir tes check-points et ne pas te perdre.
- Les punchlines travaillées, car ça serait dommage de nous rejouer cette scène de "La cité de la peur" :
6- Actio
Ça y est, c'est le jour J, le moment où tu vas jouer avec ton voilier.
Le moment où tu vas prendre la parole for real face à ton auditoire.
Avant ça, tu as répété suffisamment de fois ton discours pour être à l'aise, confiant-e, en maîtrise du fond.
Il te faudra non pas seulement un discours puissant.
Il te faudra également délivrer une performance puissante.
C'est le moment où ton éloquence entre en jeu pour séduire, captiver, plaire.
Tes meilleures alliées seront cette fois copine "Paraverbal" avec la mélodie de ta voix et copine "Non-verbal" avec ta gestuelle.
De là peut se dégager ton charisme, ton aura, ton leadership.
Sans ça, tu auras probablement des retours du genre :
"Très intéressant, oui, mais on fera ça avec quelqu'un d'autre".
Opportunité manquée d'inspirer un vrai passage à l'action.
Tu le remarques sans doute, l'éloquence n'arrive qu'en dernière étape.
Car il ne sert à rien d'être très éloquent·e si c'est pour ne rien dire.
C'est divertissant tout au mieux.
Mais on ne forme pas nos apprenants à être divertissants.
On les forme à être convaincants.
À mieux défendre leurs idées pour emporter l'adhésion.
À utiliser tous les outils de la rhétorique et de l'éloquence dans un ordre Quintilien.
À construire des voiliers en Lego qui donnent envie aux autres de le reproduire.
Garde toujours en tête ces étapes pour bien préparer tes discours et notamment la 1 et la 4 qui contribuent à te rendre unique.

Conclusion
La prise de parole efficace est un art qui repose autant sur une préparation rigoureuse que sur une expression authentique. L’enseignement de Quintilien, enrichi par l’étape moderne du « Vibrato », nous rappelle qu’un discours convaincant ne se limite pas à une simple transmission d’informations, mais qu’il incarne un message personnel, structuré et captivant.
La préparation passe par six étapes essentielles : définir son vibrato pour ancrer sa parole dans des valeurs authentiques, structurer ses idées avec l’inventio, les organiser avec la dispositio, affiner leur expression grâce à l’elocutio, maîtriser son propos avec la memoria, et enfin, briller lors de l’actio.
Il est fondamental de rappeler que la véritable éloquence ne consiste pas à briller pour distraire, mais à convaincre pour inspirer.
Julien de Sousa, fondateur de Panache.
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Aller plus loin
Voici les réponses aux questions qui nous reviennent le plus. Si tu en as d'autres, entre en contact avec nous pour en savoir encore plus.
Certaines personnes sont timides, n’articulent pas ou parlent trop bas, tandis que d’autres savent poser leur voix, s’expriment avec aisance et clarté, dégagent une certaine confiance à travers leur langage corporel. Ces derniers maîtrisent l’art de l’éloquence. L’éloquence est la capacité à communiquer efficacement à l’oral, c’est-à-dire à s’exprimer clairement et avec aisance, tout en mettant de l’émotion dans le discours.
L’éloquence, c’est l’union de la voix et de la gestuelle. Une personne éloquente peut captiver l’auditoire, le séduire, l’émouvoir, le persuader. Mais l’éloquence n’est rien sans la rhétorique : l’éloquence, c’est avant tout la forme qui vient sublimer le fond.
Savoir prendre la parole et s’exprimer efficacement devant un public, quel qu’il soit, est une qualité qui t’aidera dans ta vie professionnelle et ta vie personnelle. En améliorant ton éloquence, tu gagneras confiance en toi et tu pourras capter l’attention de tes auditeurs plus facilement. En effet, même si le fond de tes idées est passionnant, si tu n’arrives pas à parler avec aisance (et avec panache !), tu ne pourras pas captiver l’auditoire.
Travailler ton éloquence t’assurera une communication efficace dans les nombreuses prises de parole en public qui t’attendent, notamment dans le milieu professionnel : réussir tes entretiens d’embauche, animer une réunion d’équipe, délivrer un pitch investisseur, faire un discours public, défendre un dossier important, etc. En t’exprimant de manière éloquente, tu développes ton leadership et surtout, tu accentues le pouvoir de persuasion des paroles.
L’éloquence est donc une qualité très recherchée en entreprise. Mais l’art de l’expression orale est aussi utile d’un point de vue personnel, par exemple pour prendre confiance en toi, t’exprimer clairement, oser poser des questions, vaincre ta timidité, développer ton charisme, etc.
En communication orale, tout le monde n’est pas sur un pied d’égalité. Certains ont une aisance naturelle et semblent être des orateurs nés, tandis que d’autres peuvent être submergés par le stress à l’idée même de parler en public (même s’il s’agit de faire un discours devant des potes à un anniversaire).
Mais heureusement, à l’image d’un instrument de musique, la prise de parole en public est un art et une technique qui se travaille. Voici quelques exercices pratiques à travailler au quotidien pour passer maître de l’art oratoire :
- Entraîne-toi à poser ta voix : l’éloquence passe par le contrôle de la voix (paraverbal). Ton trac ne doit pas s’entendre et ta voix doit paraître assurée. Dans la pratique, tu peux essayer de travailler ton intonation (varier le rythme et éviter de parler de façon monocorde), de souligner les mots importants, de parler à voix haute et intelligible (mais sans crier !), de maîtriser ton débit de parole, etc.
- Travaille ton langage corporel : la communication non verbale est primordiale dans la force de percussion d’un message. Sans aller dans les techniques théâtrales, être éloquent signifie aussi maîtriser ses gestes, son regard, ses postures. Voici quelques conseils à garder en tête (sans en abuser pour ne pas être dans la caricature) : souris, accompagne tes mots avec tes gestes, tiens-toi droit, cherche le regard de tes auditeurs, occupe l’espace, évite les tics (par exemple : se toucher les cheveux, tapoter du pied, etc.).
- Inspire-toi des meilleurs orateurs : tu as forcément en tête une personnalité publique, un journaliste, une femme politique ou même un collègue au travail qui t’impressionne par sa capacité à capter un public. Prends le temps d’observer les discours de ces personnes avec un œil critique pour repérer les effets de style, les moments qui ont pu te faire sourire ou attirer ton attention, etc.
- Fais des mises en situation : entraîne-toi autant que possible dans des conditions similaires à ta prise de parole (seras-tu debout ou assis ? auras-tu un support visuel ?) pour te sentir au maximum en contrôle le jour J.
D’autres techniques oratoires et astuces pour développer tes qualités d’orateur :
- Jouer avec les silences : le silence est synonyme de pauses stratégiques dans ton discours. Un silence maîtrisé permet de faire passer un message, de souligner certaines idées particulièrement importantes. Il permet également à ton auditoire d’assimiler pleinement tes propos. Marquer des silences renforce l’impact de la communication orale.
- Apprendre à improviser : si ce n’est pas ta première prise de parole et que tu te sens maintenant suffisamment à l’aise avec cet exercice, pourquoi ne pas t’amuser avec un peu d’improvisation ? Mais attention, il ne faut pas confondre improvisation avec manque de préparation ! L’improvisation peut rendre la parole plus intéressante et plus naturelle, car elle permet d’être à 100% dans l’instant. Mais seulement à condition qu’elle soit pensée en amont : tu dois bien connaître la construction de ton discours, tes idées importantes et tes transitions logiques.
- Apprendre à interagir avec le public et à réagir : peu importe ton objectif (convaincre le public, l’informer, l’émouvoir, le faire rire, etc.), tu dois toujours rester attentif à ton auditoire et à ses réactions : le langage corporel marche dans les deux sens. Il est essentiel de préparer ton intervention, mais il est tout aussi important de l’adapter si besoin. Si ton public a l’air perdu ou inattentif, n’hésite pas à intégrer des questions rhétoriques pour retrouver leur attention ou à établir un contact visuel.
La peur de parler en public est très courante et elle est souvent liée à l’importance que l’on donne au regard des autres, à la peur d’être jugé·e, voire moqué·e. Un stress intense peut être le pire ennemi des meilleurs orateurs : il nous empêche de gérer nos émotions et peut nous amener à perdre le fil conducteur du discours, à avoir la voix qui tremble, à bégayer…
En revanche, il est tout à fait naturel d’avoir le trac avant de parler en public, peu importe qu’il s’agisse d’un large auditoire ou d’une seule personne. Le trac est lié à l’envie de bien faire et à la peur de décevoir. L’idée n’est donc pas de faire disparaître totalement le trac avant une prise de parole, mais de ne pas le laisser te submerger.
Pour cela, il existe quelques astuces :
- Accepte ton trac : la première chose à faire est de te dire que ce ne sont que des mots, que ta vie n’est pas en jeu. Tout le monde se retrouve à un moment ou à un autre à ta place, devant un public, dans une situation qui peut paraître inconfortable ou intimidante. Et ça, ton auditoire le sait. La deuxième chose importante est donc de prendre conscience que ton auditoire est bienveillant et qu’il est là pour échanger avec toi.
- Sois bien préparé·e : oui, dit comme ça, ça paraît évident. Mais tu serais étonné·e de savoir le nombre de discours ratés à cause d’un simple manque de préparation. Si tu connais ton sujet et que tu es toi-même convaincu·e par la pertinence et l’intérêt de tes paroles, pas de quoi stresser non ?
- Soigne tout particulièrement ton introduction et ta conclusion : dans une prise de parole, la première et la dernière impression sont souvent les plus importantes. Pour ne pas ajouter de trac supplémentaire lors de ta présentation orale, tu peux éventuellement les apprendre par cœur.
- Ne néglige pas l’importance de la respiration : la respiration a un double rôle dans l’art de parler. Avant ta prise de parole, des exercices de respiration abdominale peuvent t’aider à calmer tes nerfs et à apaiser ton corps. Pendant ton discours, manquer d’air t’empêchera de mettre de l’énergie dans ta parole. Il faut donc t'entraîner à maîtriser ton souffle, à ralentir, à respirer.
- Entraîne-toi devant tes proches : s'entraîner seul·e, c’est bien, devant un public, c’est mieux. Cela te permettra non seulement d’avoir des critiques constructives et bienveillantes, mais aussi d’identifier tes points forts pour reprendre confiance en toi. Prendre la parole devant quelqu’un t’entraîne aussi à vaincre tes peurs éventuelles du jugement pour t’exprimer avec plus d’aisance le jour J.
À force de pratique, tu prendras conscience de tes talents d’orateur et oser prendre la parole en public ne sera bientôt plus un problème pour toi.