Leadership

Comment refuser une augmentation de salaire sans démotiver ?

Modifié le
18
June 2025
par
Julien de Sousa
Couverture Article Panache Refus d'augmentation de salaire avec le film In the air avec George Clooney

Introduction

C’est une scène que tu connais trop bien.

Un collaborateur performant, impliqué, que tu apprécies humainement et professionnellement, te demande un moment.

Il entre dans le bureau.

Et prononce ces quelques mots : “J’aimerais parler de mon évolution salariale.”

Ton cerveau scanne immédiatement :

  • Budget ? Serré.
  • Grilles ? Déjà au plafond.
  • Timing ? Tendax.

Et là, tu le sais : tu vas devoir lui dire non.

Mais pas un “non” brutal, ni un “non” administratif.

Un non qui respecte son engagement, son ambition, son énergie.

Un refus d’augmentation de salaire n’est pas une simple décision.

C’est un message à double tranchant : il porte une information (tu n’auras pas plus aujourd’hui), mais il conditionne aussi une relation (ta valeur ici reste intacte).

Ce que tu vas dire compte.

Mais surtout comment tu vas le dire est encore plus décisif.

Le cadre à construire avant que la demande arrive

Un refus bien vécu n’est pas une improvisation de dernière minute.

Un collaborateur n’attend pas toujours une réponse positive, mais il attend que les règles du jeu soient claires.

Pour cela, il ne s’agit pas de "gérer les attentes", il s’agit de construire un écosystème où les talents peuvent se projeter avec clarté et lucidité.

1. Donne des repères sur les temporalités

Beaucoup de frustrations naissent non pas du refus en lui-même, mais d’un malentendu sur le "quand" et le "comment".

Le manque de repères temporels crée une attente floue, donc déceptive.

Nos conseils :

  • Communique à l’avance sur les périodes de revue (et ne le fais pas en catimini)
  • Explique les modalités d’évaluation : objectifs, responsabilités, comportements attendus
  • Montre la cohérence entre performance, progression et décision salariale

Exemple concret :

"Le prochain point d’évaluation est en octobre. Il est construit sur les résultats du semestre et sur les responsabilités formalisées au début d’année. Si ces critères sont remplis, cela peut nourrir une discussion d’évolution."

Pourquoi c’est important ?

Cela permet au collaborateur de se positionner dans le temps et de ne pas vivre chaque période comme une loterie salariale.

2. Identifie les signaux d’évolution individuelle

Les talents les plus ambitieux ne verbalisent pas toujours leurs attentes directement.

Mais ils envoient des signaux, et là, c’est à toi de les capter.

Les indices que tu dois observer :

  • Prise de leadership sur des sujets nouveaux
  • Implication volontaire sur des projets à forte visibilité
  • Présence dans les échanges stratégiques
  • Allusions répétées à l’évolution ou à des comparaisons internes

Exemple concret :

"Je vois que tu t’impliques de plus en plus sur les projets transverses. Est-ce que tu souhaites qu’on formalise une étape supplémentaire dans ton rôle ?"

Pourquoi c’est important ?

Cela permet au collaborateur de sentir qu’il est vu, entendu, et soutenu dans son évolution, sans devoir "revendiquer" ou "se battre" pour le faire.

3. Valorise sans augmenter

Quand l’évolution salariale est bloquée, cela ne veut pas dire que la reconnaissance l’est aussi.

D’autres leviers existent, à condition de les activer avec discernement.

L’erreur classique ? Ne rien faire, sous prétexte qu’il n’y a pas d’enveloppe.

Les alternatives de valorisation crédible :

  • Donne un rôle visible sur un projet transverse ou stratégique
  • Propose de représenter l’équipe dans un comité ou un séminaire
  • Offre une formation sur une compétence clé ou un soft skill à développer
  • Permets un mentoring interne ou un élargissement de périmètre

Pourquoi c’est important ?

Elle ne nie pas la demande, elle en reconnaît la légitimité.

Elle propose une alternative concrète, valorisante, alignée avec les aspirations du collaborateur.

Elle transforme le refus en opportunité.

In the air George Clooney, en entretien de refus d'augmentation de salaire

Le film “In the Air” illustre parfaitement la gestion RH froide VS relationnelle. Le personnage de George Clooney incarne la brutalité d’un “non” sans lien humain.

Mais à travers son duo avec Anna Kendrick, on observe aussi le contraste entre l’annonce purement structurelle et l’importance du lien dans la transmission du message.

Ce que tu dois retenir : on peut livrer une mauvaise nouvelle… sans être mécanique.

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La préparation de ton discours

Refuser une augmentation, ce n’est pas un moment à esquiver.

C’est une opportunité pour faire preuve de leadership verbal et de crédibilité.

Il s’agit de construire un message structuré, respectueux, et tourné vers la suite.

Et pour y arriver, il faut se préparer !

1. Pose les faits

Avant de parler, tu dois maîtriser :

  • La réalité budgétaire (et sa marge de flexibilité),
  • Le parcours, les résultats et les ambitions du collaborateur,
  • Les solutions alternatives que tu peux proposer.

Nous te conseillons de préparer ces 3 étapes :

  • Résultats : pour ancrer ton discours dans du concret et reconnaître objectivement la valeur apportée.
  • Contexte : pour poser les contraintes budgétaires et organisationnelles avec transparence.
  • Équité : pour garantir une décision juste et cohérente vis-à-vis des autres collaborateurs.

Exemple concret :

"Tu as dépassé certains objectifs, et on l’a noté dans le dernier feedback. Mais à ce stade, notre politique est alignée sur les cycles budgétaires semestriels."

2. Structure l’échange avec une chronologie claire

Un refus mal structuré devient brutal.

Un refus bien structuré devient crédible.

Tu peux suivre ce plan :

  1. Valider la demande : "Merci d’avoir amené le sujet."
  2. Énonce la décision avec transparence  : "Le cadre actuel ne permet pas une augmentation."
  3. Reconnaître les efforts et entendre la déception  : "Je vois ton engagement et je comprends que cette réponse soit difficile à recevoir."
  4. Projeter une suite  : "Travaillons un plan pour d’ici la prochaine revue."

Cela permet d’éviter les flous dans la compréhension de l’évolution du collaborateur.

3. Propose une suite crédible et engageante

Dans un environnement de travail exigeant et en tension (comme c’est souvent le cas en contexte budgétaire), ce qui manque n’est pas juste une revalorisation, c’est une perspective.

Refuser, c’est prendre la responsabilité de guider.

De proposer un point de passage.

De nommer un horizon.

Et, disons-le franchement : promettre un flou artistique avec un sourire, c’est comme offrir une carte sans destination ; ça reste poli, mais inutile.

Si le collaborateur sort de l’entretien avec un "on verra" flou comme un brouillard breton, c’est perdu.

Il faut un cap, une date, un geste.

Nos conseils pour construire une suite engageante à ton collaborateur :

  • Co-Construisez un mini-plan d’objectifs aligné avec les attendus de l’organisation.
  • Valide une échéance de réévaluation (et notez-la ensemble).
  • Rédige un bref message de suivi post-entretien pour ancrer l’engagement mutuel.

Exemple concret :

"Je t’envoie un récap avec les 3 objectifs qu’on a posés. On fait le point le 20 septembre. Ça devient notre point de passage."

Pour préparer au mieux ton discours lors de cet échange nous avons écrit un article sur Les 6 étapes pour délivrer une prise de parole réussie

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Le triangle rhétorique au service du refus maîtrisé

Tu as le message. Le cadre.

Il est temps pour toi d’entrer dans l’arène de la parole.

Et pour ça, tu as besoin du triangle rhétorique, Logos, Pathos et Ethos.

Pourquoi utiliser ce cadre ? Parce qu’il t’aide à répondre aux trois dimensions fondamentales d’un entretien de refus :

  • Qu’est-ce que je dois dire ? (logos)
  • Comment montrer que je suis légitime pour le dire ? (ethos)
  • Comment je préserve la relation en le disant ? (pathos)

Pour en savoir plus sur le fonctionnement et l'importance du triangle d'Aristote pour faire adhérer à tes idées, voici un article qui pourrait t'intéresser.

1. Pourquoi ce triangle est crucial dans un entretien de refus

Le triangle rhétorique te sert à avoir un équilibre stratégique entre ta parole, ta légitimité et la préservation de ta relation.

Prenons un exemple.

Emma, développeuse senior, a pris des responsabilités transverses, a été mentor pour un junior et livré un projet en avance. Elle demande une augmentation. Tu vas devoir lui dire non à cette demande, sans la démotiver.


Logos
: “Emma, ta contribution sur le projet Alpha a été précieuse, et on le retrouve dans les livrables. Aujourd’hui, dans notre grille actuelle, les augmentations hors cycle ne sont activées qu’en cas de changement de poste formel. Ce n’est pas le cas ici."


Ethos : "Je suis vigilant à ce que nos décisions soient équitables. Si j’ouvre aujourd’hui une exception, je ne peux pas défendre le cadre collectif qu’on porte. Je tiens à être cohérent dans mes arbitrages, y compris quand c’est difficile.


Pathos : "Je vois tout ce que tu as porté ces derniers mois, et c’est légitime que tu attendes une reconnaissance. Je sais que cette réponse est décevante, et je veux qu’on travaille ensemble sur une trajectoire claire pour les mois à venir."


Le triangle rhétorique ne t’impose pas une posture,  il te donne trois appuis pour construire un discours solide, nuancé et humain.

Il ne fait pas disparaître le refus, mais il te permet de naviguer avec équilibre entre clarté, crédibilité et considération.

Conclusion

Un refus préparé, structuré et suivi ne démotive pas, il professionnalise la relation.

La qualité de ton discours réside dans sa clarté, sa cohérence, et sa continuité.

Et dans un monde exigeant, c’est la capacité à tenir une parole qui fait la différence entre une politique et une culture.

Un discours bien construit ne transforme pas la réalité, mais il transforme la manière dont elle est vécue.

Découvre nos formations en prise de parole et transforme tes discours et celles de tes équipes dès aujourd'hui.

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Julien de Sousa et toute l'équipe Panache.

Aller plus loin

Voici les réponses aux questions qui nous reviennent le plus. Si tu en as d'autres, entre en contact avec nous pour en savoir encore plus.

Que faire si un collaborateur se braque ?

Reste ferme sur le cadre, mais reste ouvert dans la relation.

C’est souvent quand un collaborateur insiste qu’il exprime, en creux, autre chose :

  • Une envie de reconnaissance
  • Une frustation accumlée
  • Une crainte d'être bloqué dans son évolution

Si tu entres dans le rapport de force, tu perds la main.

Le but, ce n’est pas de convaincre à tout prix, mais de désamorcer l’émotion pour pouvoir rouvrir le dialogue plus tard, à froid.

Reformule ses propos pour lui montrer que tu écoutes vraiment, rappelle les limites factuelles sans agressivité, puis propose un rendez-vous de suivi.

Comment former les managers au refus d’augmentation ?

Il ne suffit pas de savoir dire non.

Il faut savoir le dire bien.

Former les managers à cet exercice, c’est les armer pour gérer les conversations difficiles avec justesse, cohérence et humanité.

Commence par leur faire travailler trois choses :

  • Leur posture (oser assumer une décision sans se cacher derrière "la direction")
  • Leur structure (savoir construire un discours clair et progressif)
  • Leur capacité d’écoute (entendre ce qui se dit… et ce qui ne se dit pas)
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