Introduction
En français, les tics de langage sont comme des intrus dans nos paroles. Ils peuvent rendre nos échanges moins clairs.
Si tu me regardes parler de visu ou en visio, tu remarqueras un truc : je me touche tout le temps le visage, les cheveux, les sourcils.
Et c'est encore pire lorsque je laisse pousser ma barbe : je la touche comme un maître de kung-fu de 80 ans.
Ce sont mes tics.
Et je me soigne en cherchant à utiliser mes mains autrement que sur ma tronche.
Car tout le monde ne voit que ça au bout d'un moment.
Certes, j'ai une belle dextérité du triquetrum mais mon message a, à mo'n sens, plus de valeur que ce talent.
Et encore, avant je disais tout le temps "du coup".
Je suis sûr que toi aussi tu as des tics : de langage corporel ou de langage tout court.
Lorsque tu parles, tu peux avoir tendance à utiliser et user de ce genre de mots parasites :
- voilà
- euh
- bah
- hein
- en fait
- tu vois
- un petit
- du coup
- effectivement
- donc du coup (le combo !)
- pédicelle (quoi, tu ne dis jamais ça ? C'est le nom de la dernière tige avant le fruit)
Par exemple, j'ai coaché un entrepreneur qui avait une super idée de projet pour mieux trier les déchets plastiques. Il lâchait des "euh" toutes les 5 sec. Oui oui, toutes les 5 secondes ! J'avais l'impression d'écouter un télégramme avec le fameux STOP qui marque la fin d'une phrase.
Alors que pourtant il le connaît son projet puisque c'est son projet.
Mais pourquoi ?!

Pourquoi as-tu des tics de langage ?
Dans son livre "On Language", Roman Jakobson, linguiste russo-américain du XXe siècle, dit que ces mots parasites ont une fonction « phatique ».
Ils ne servent pas à communiquer un message, mais à maintenir le contact entre le locuteur et le destinataire.
C’est comme lorsque tu passes un coup de téléphone et que tu dis "Allô". Cela permet de t'assurer que la communication passe bien. Pratique.
Donc cela part d'une bonne intention : tu souhaites maintenir un lien.
Altruistes que tu es !
Je vais te dire quelque chose : en plus de ne pas aider à faire passer ton message, ils peuvent te nuire, car c'est tout ce qu'on entend.
Ou pire, ils peuvent te faire déraper / gaffer.
Rappelle-toi du célèbre "Tout le monde debout... là-bas" de François Feldman au Téléthon face à des enfants en fauteuil. Oups la fonction phatique...
Il existe aussi une autre raison qui te pousse à utiliser des mots parasites : tu as peur du silence.
Car il renvoie au vide, au vertige du regard des autres sur toi.
Dans ce cas, tes mots parasites ont pour fonction de combler un silence pour maintenir la conversation sans laisser de blanc.
Sans laisser l'autre te juger.
Or, sache qu'on te juge avant même que tu n'ouvres la bouche.
On juge tout le temps sans même sans rendre compte.
Notre cerveau fait des raccourcis pour prendre des décisions plus rapidement.
C'est ce que Daniel Kahneman, prix Nobel d'économie, appelle "Système 1/ Système 2 : les deux vitesses de la pensée" dans son livre éponyme.
Le "Système 1" est rapide, intuitif et émotionnel > celui qui juge vite.
Le "Système 2" est lent, réfléchi et logique > celui qui permet de résoudre un problème.
Finalement, en partant d'une bonne intention (maintenir le lien) tu te retrouves surtout à n'envoyer que des mauvais signaux :
- Tu fais des phrases trop longues : les subordonnées et propositions relatives sont sans fin. Il n'y a pas de pause, et les seuls liants sont les "euh".
- Les “euh” te décrédibilisent. Cela donne un sentiment de non-préparation et d'hésitation. Tu manques de charisme, d'autorité et de leadership.
- Les mots parasites diluent l’information essentielle. Le discours est imprécis, pas synthétique, on perd son essence.
Un bon clafoutis aux cerises est meilleur lorsqu'on retire tous les noyaux, pas vrai ?
C'est pareil avec un bon discours, il est beaucoup plus puissant de créer ce lien avec l'audience en retirant les tics de langage.
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Comment supprimer les tics de langage ?
Les identifier
Pour ça il y a 2 pistes que j'utilise avec les personnes que je forme :
1- Je les écoute une première fois pour les repérer et s'il y en a un qui revient vraiment beaucoup, je les informe de ce mot. Ensuite, je lève la main à chaque fois qu'il est exprimé lors d'une prise de parole.
> Le but est de se rendre compte du nombre de fois où la personne utilise ce tic de langage. Et je peux te dire que lorsque la main est levée toutes les 5 secondes, une certaine épiphanie leur saute aux yeux !
2- Je peux aussi les filmer en pleine prise de parole. Là, c'est ensemble qu'on entend les mots parasites et l'objectif est le même : avoir une prise de conscience.
> Je sais, personne n'aime se regarder, ni s'entendre.
Mais si tu veux améliorer la qualité de tes discours, il est indispensable de se voir parler. Alors, filme-toi, regarde-toi, identifie tes tics de langage, note-les, chéris-les et dis-toi qu'ils étaient là pour une raison noble.
Une fois identifiés, on peut enfin les remplacer.
Les remplacer
Non, on ne remplace des mots parasites par d'autres mots (laine, ficus, fauteuil, cheville, palais, palet, pas laid...).
Et je te le donne en mille, le must est d'utiliser des silences.
Donc ne rien dire !
Car le silence a 3 énormes atouts :
1- Il permet à ton public de digérer l'information que tu lui partages. Dans un flot incessant de paroles, il faut lui donner des pauses pour le laisser se reposer.
2- Il permet de mettre du style : créer de l'intrigue, jouer avec le suspens, ajouter de la puissance, mettre en avant un message, souligner un mot, faire vivre des émotions. On peut même faire un silence de 6min20 comme dans ce discours exceptionnel d'Emma Gonzalez :
3- Il te permet de réfléchir à ce que tu vas. dire. Difficile de savoir par cœur ce que tu veux raconter. Alors c'est normal d'avoir besoin d'un temps pour créer la prochaine phrase. Et au lieu de combler la réflexion par un quelconque mot parasite, tu as le droit (et maintenant le devoir) de faire des pauses.
Et pour les mots de liaisons, amuse-toi avec des synonymes : donc, ainsi, alors, c'est pourquoi, en conséquence, dès lors, de fait, voilà pourquoi...
Ah oui, car le "du coup" est synonyme de "aussitôt".
Il doit y avoir un lien de cause/conséquence.
Comme dans "J'ai mangé trop de bonbons à Halloween, du coup, je suis malade"
En dehors de ce sens, "du coup" est incorrect et son emploi relève de l’abus de langage. Stop à l'abus.
En conclusion
Pour t'aider encore plus à ne pas user de tics de langage, tu peux (re)lire les conseils que je te donnais pour ne pas faire de langue de bois.
Car dedans s'y cachent plein d'astuces pour faire des phrases simples et concrètes.
Donc facile à comprendre.
Donc sans avoir besoin d'ajouter du superflu.
Donc sans tics qui anéantissent toute une esthétique.
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Julien de Sousa et toute l'équipe Panache.
Aller plus loin
Voici les réponses aux questions qui nous reviennent le plus. Si tu en as d'autres, entre en contact avec nous pour en savoir encore plus.
Les gestes répétitifs : Jouer avec ses mains, toucher ses cheveux ou ses vêtements.
Les mimiques faciales : Grimaces involontaires, mâchoire tendue ou sourcils froncés.
Le manque de contact visuel : Regarder le sol ou éviter de fixer son auditoire.
La posture fermée : Croiser les bras ou rester immobile comme une statue.
Les mouvements involontaires : Tapoter le pied, jouer avec un stylo ou balancer ton corps.
Ne pas intégrer de silences dans ton discours est une erreur stratégique, surtout lors de tes prises de parole en public. Beaucoup d'orateurs pensent que chaque instant doit être rempli de mots, mais en réalité, c'est le silence qui peut parfois avoir le plus grand impact. En tant que formateur en prise de parole, je peux te dire que les silences ne sont pas des moments de faiblesse, mais des outils puissants pour rendre ton message bien plus percutant et marquer durablement ton auditoire. Pourquoi ?
- Le silence captive : L’impact d’un silence bien placé est incontestable. Il intrigue ton public et lui laisse le temps de digérer ce que tu viens de dire. Cela crée une forme de suspense qui renforce l’attention, rendant ton discours plus marquant et aide à fixer les messages clés.
- Il structure ton discours : Plutôt que de combler chaque vide avec des mots inutiles ou des tics de langage comme “euh” “donc” et le fameux “donc du coup”, les silences permettent de respirer entre tes idées.
Ils montrent ta maîtrise : Utiliser les silences avec assurance démontre ta maîtrise de la prise de parole. Quand tu t’arrêtes volontairement pour réfléchir avant de répondre ou de continuer, tu montres à ton public que tu es pleinement en contrôle de ton message.
Les tics de langage, comme "euh", "du coup", ou encore "tu vois", ont souvent des causes psychologiques et sociales. En prise de parole, ces tics peuvent être un signe de nervosité ou de manque de confiance en soi. Parfois, ils sont utilisés inconsciemment pour combler des pauses dans un discours, comme un mécanisme pour éviter le silence. En rhétorique, on peut aussi observer que ces locutions adverbiales sont souvent un moyen de maintenir un lien avec l'auditoire, une fonction dite phatique.
Les tics verbaux peuvent également découler de notre environnement social : si tu entends constamment certaines expressions dans ton groupe social, tu pourrais être plus enclin à les répéter sans y penser. Cela devient un tic de langage automatique, souvent associé à une volonté de paraître à l'aise ou de donner du rythme à un discours, mais qui peut avoir l'effet inverse en diluant la puissance de ton message.
Comprendre la cause des tics de langage te permet de mieux les maîtriser. En prenant conscience de ces comportements, tu pourras les remplacer par des pauses stratégiques qui renforceront l'impact de ton discours.